En tant qu’immigrante chilienne, mon expérience de déracinement, de séparation de ma famille et de mon environnement natal m’a poussée à explorer des thèmes liés à la mélancolie, à l’isolement et à la tristesse. Ces émotions, profondément ancrées dans mon parcours, façonnent ma vision artistique.
Je m’inspire de la tradition latino-américaine, notamment du réalisme magique, où les thèmes réels et sérieux se superposent à un surréalisme empreint de poésie, de symbolismes et un peu de farfelu. J’apprécie particulièrement les juxtapositions des éléments, les contraste entre des éléments apparemment opposés, qu’il s’agisse de couleurs, de textures ou de thèmes. Je cherche à susciter une émotion forte, d’évoquer une atmosphère qui résonne avec le spectateur.
J’aime utiliser des couleurs vives et chaudes, qui contrastent avec des teintes froides, symbolisant le manque ou le vide. Ce jeu de contrastes crée une dynamique qui nourrit mes œuvres et cherche à connecter l’âme de l’artiste avec celle du spectateur. Je ne cherche pas à m’attarder sur les détails ou aspects techniques, mais plutôt à transmettre des concepts, des sentiments, des lieux ou des souvenirs. Mon approche est moins réaliste et plus axée sur la suggestion d’une émotion, d’un état d’esprit.
Dans cette œuvre, j’ai voulu explorer le sentiment de “la page blanche”, une expérience récurrente pour tout artiste. Pour marquer ce contraste entre la créativité libre des enfants et les blocages mentaux des adultes, j’ai choisi d’intégrer les dessins de mon enfant. Ces dessins, empreints de spontanéité et d’innocence, viennent souligner l’idée que, parfois, notre esprit d’adulte, (sur)encombré de pensées, empêche de libérer une créativité pure.
Pour la création de cette œuvre, j’ai commencé par un croquis simple, qui reflétait ce qui me posait problème à ce moment-là : la page blanche. Je n’arrivais pas à trouver quoi exprimer, et voilà que mon enfant remplissait feuille après feuille de ses créations… C’est à partir de cela que je suis partie. La page blanche est devenue un élément central, représentant mon état d’esprit. J’ai ensuite choisi les couleurs qui illustreraient le manque d’inspiration : une palette froide et obscure, qui enveloppe la personne, la plonge dans une certaine lourdeur. Pour illuminer cette obscurité, j’ai utilisé des couleurs vives et fortes, représentant le visage serein qui dort paisiblement, tandis que des idées flottent au-dessus, un subconscient inaccessible. Quant aux dessins d’enfant, j’ai opté pour des traits plus gras et texturés, dans un style plus plat. Mon enfant a bien collaboré à ce projet, ce qui a ajouté une dimension personnelle. Le reste de l’œuvre, je l’ai voulu plus chaotique, avec des textures ici et là, pour évoquer des pensés informes, l’inconscient.
Je vois l’art comme un moyen puissant de communication, permettant d’exprimer ce qui est difficile à dire avec des mots.
C’est aussi une manière de me connecter avec ma famille, de partager une expérience commune, même à distance. Je souhaite que mes œuvres permettent à d’autres de ressentir ce que je ressens, d’entrer en résonance avec mes émotions et peut-être même de retrouver une part d’eux-mêmes à travers ces expressions visuelles.